« S’il est une conviction qui m’habite, c’est que la mémoire des événements, des opportunités et des intuitions est le meilleur chemin pour garantir à l’avenir une sérénité faite de beaucoup de lucidité et de discernement mais aussi, oserais-je dire, de beaucoup d’humilité. » Abbé Philippe Mawet
« C’est vrai que le site de la Communauté des Sœurs du Bon Pasteur (au «Manoir d’Anjou» de Woluwe) fait partie de mon paysage à la fois familial et ecclésial. Ainsi, la réception et le repas organisés le jour de mon ordination sacerdotale (à l’église Saint Paul le dimanche 20 juin 1976) ont eu lieu dans le Manoir du Bon Pasteur.
Autre étape importante: c’est le samedi 13 septembre 1980 qu’a eu lieu, dans la chapelle du Bon Pasteur (aujourd’hui transformée en boulangerie sociale), la première «messe des jeunes» commune aux paroisses Saint Paul et Sainte Alix, embryon de ce qu’est aujourd’hui l’Unité Pastorale de Stockel-au-Bois. C’était, à l’époque, le résultat d’une fusion entre les messes des jeunes des deux paroisses avec le souci de trouver un lieu de célébration géographiquement situé entre Saint Paul et Sainte Alix. Et ce fut la belle ouverture de la Communauté des religieuses jusqu’alors peu habituée d’ouvrir ses portes à des activités autres que celles liées à leur mission éducative auprès des filles en difficultés (souvent appelées «filles du juge»!). Avec d’autres, Sœur Maria – appelée alors Mère Immaculata et responsable provinciale – a permis cette ouverture décisive qui n’est pas sans lien avec ce que fut, quelques années plus tard, la création des Fraternités du Bon Pasteur.
C’est dans le cadre de cette «messe des jeunes» que je pus observer que le bâtiment en «U» à proximité de la chapelle était vide et sans aucune affectation. Si je me situe au niveau d’une intuition qui n’était pas encore un projet, je rêvais de permettre à une communauté de laïcs et de familles d’habiter ce lieu en communion avec les Sœurs du Bon Pasteur présentes sur ce site. A cette époque, elles étaient une cinquantaine (25 apostoliques et 25 contemplatives appelées «Sœurs de la Croix»)
Nous étions le 19 août 1983. Suite à ma demande, j’ai pu rencontrer les 3 sœurs responsables de la Communauté (locale, provinciale et générale) à la «Maison Sainte Ursule» appelée ensuite «la villa Madoux» aujourd’hui démolie (!).. En écoutant ma proposition, ces trois sœurs m’ont fait part de leur surprise en précisant seulement que nous étions le jour de la fête de leur saint fondateur (le père Saint Jean Eudes) et que cela était peut-être un signe.
C’est vrai que j’ose croire à la Providence car, quelques semaines plus tard, Mère Immaculata (Sœur Maria que nous connaissons toujours aujourd’hui) me fit part de leur souhait de «profiter» de cette initiative pour me proposer, non pas d’occuper le «U» comme je l’avais suggéré, mais d’acheter tout le domaine ( 8 hectares) pour élargir le projet aux dimensions du site.
Etant à ce moment coresponsable de la pastorale (habitants et étudiants) à la paroisse «Communion de Louvain-la-Neuve», j’avais déjà parlé de ce qui apparaissait comme un grand défi à une communauté de jeunes adultes récemment engagés dans la vie professionnelle (certains peuvent encore en témoigner aujourd’hui). Après réflexion et discernement, ils ont décliné la proposition jugée trop lourde pour leurs épaules de jeunes travailleurs. C’était avant le premier contact avec les Sœurs !
Il y eut aussi des contacts avec d’autres couples qui, avec Marc et Claire Dujardin (qui habitaient… avenue Dujardin!) ont débouché sur la création de ce qui allait devenir «la communauté de la grande maison». C’est dans ce contexte qu’il y eut ce jour qui, pour moi, fut à la fois lumineux dans l’Espérance et décisif dans le discernement. C’était le 2 août 1983… un an après le décès de David Goeseels. Me trouvant au Monastère Saint André de Clerlande (à Ottignies-Louvain-la-Neuve) avec Philippe Goeseels et Christine Gelders, les parents de David, je leur fis part de ce qui, dans ma tête et dans mon cœur, était déjà un «projet du Bon Pasteur». Cela nous mit en profonde harmonie fraternelle et spirituelle dans la mesure où ce projet rejoignait des intuitions que portaient aussi Philippe et Christine. C’est alors que nous avons décidé que j’en parlerais aux sœurs du Bon Pasteur (ce qui fut fait, comme dit plus haut, le 19 août, soit quelques semaines plus tard) et d’en parler aussi à des personnes que nous savions intéressées par ce type de communautés. Ce fut, je crois, le début, embryonnaire certes mais fécond, de ce que sont aujourd’hui les Fraternités du Bon Pasteur…
Nombreux et discrets furent les contacts qui ont suivi et qui ont abouti à la formation d’une «équipe-porteuse» de ce nouveau projet dans un dialogue permanent avec les responsables de la Communauté des Sœurs mais aussi avec le diocèse de Malines-Bruxelles devant aussi donner son accord pour que notre asbl -nouvellement constituée- puisse acheter ce domaine dans un but pastoral et en lien d’Eglise.
Une autre étape fut la réunion du lundi de Pentecôte 11 juin 1984 durant laquelle fut, pour la première fois, présenté le projet à quelques personnes intéressées et/ou concernées par la maturation et le développement du «Bon Pasteur» après le départ des Sœurs désormais programmé pour le printemps 1986.
Et c’est en septembre 1985 que s’installèrent les premières familles (Chappel, Goeseels) bientôt rejointes par d’autres et moi-même qui furent les premiers signataires de la «charte des Fraternités du Bon Pasteur» le 19 mai 1986 en présence de l’abbé Jacques De Cock, alors doyen de Woluwe. C’était le début, in situ, de cette nouvelle aventure -passionnante et difficile – de mettre des familles – mais aussi des religieuses et un prêtre- à la barre d’une communauté, mais d’abord d’une «fraternité» qui avait le «Bon Pasteur» comme guide et … grand frère dans la foi.
Aujourd’hui, plus de 35 ans plus tard, la situation a bien évidemment évolué pour mieux correspondre aux besoins et aux appels de notre temps, dans l’humble reconnaissance de nos limites et, surtout, de nos charismes.
Je reste convaincu que «la Providence» est au cœur de ce que sont (ont été et seront) les Fraternités du Bon Pasteur. Il n’est donc pas inutile de retrouver les intuitions et opportunités qui sont à la Genèse de ce projet un peu fou devenu réalité.
Merci aux Sœurs (on ne le dira jamais assez) qui ont accueilli cette folle aventure avec confiance, discernement et générosité. Merci à tous ceux et celles qui, au fil des ans, ont fait et font vivre les Fraternités du Bon Pasteur. Merci à Dieu de nous accompagner jusque dans les brumes du quotidien avec la houlette et le pipeau du Bon Pasteur qui nous permettent de reconnaître sa voix et son chemin. «
Abbé Philippe Mawet